Le Triangle Dramatique de Karpman dans les Relations de Couple

Nov 27, 2023 | Comprendre l'amour, Podcast, Sauver son couple

Avez-vous déjà entendu parler du Triangle Dramatique de Karpman ? C’est « jeu psychologique” qui a le pouvoir de transformer nos relations. C’est possible que vous le connaissiez plutôt sous les termes du triangle victime/bourreau/sauveur ou encore victime/persécuteur/sauveur. 

Ce jeu psychologique est un modèle développé par le médecin psychiatre Stephen Karpman. Il s’est appuyé sur les travaux d’Eric Berne sur l’analyse transactionnelle afin de faire ressortir les trois postures mentionnées précédemment : victime, bourreau et sauveur. 

Pourquoi s’intéresser à ce modèle ?

Ce sujet me semblait important à être abordé puisque de nombreux conflits et problèmes relationnels que l’on peut avoir peuvent s’expliquer et se comprendre au travers de ce triangle. Et, une fois qu’on devient conscient qu’on joue à ce jeu, on peut être d’autant plus en mesure d’en sortir.

On parle de jeu psychologique bien que le terme de jeu ici, n’a absolument rien d’amusant, ludique ou fun. En bref, le Triangle Dramatique de Karpman est un modèle qui nous permet de décortiquer ces rôles et de comprendre pourquoi les conflits et les dynamiques malsaines se répètent si souvent dans nos relations.

C’est-à-dire que vous avez peut-être déjà observé dans vos relations, qu’il s’agisse de relation amoureuse, familiale, professionnelle, amicale etc. que vous adoptiez parfois des postures de victimes, de bourreaux ou de sauveurs. Et potentiellement, vous avez du mal à vous reconnaître dans ces rôles. Vous n’avez peut-être pas envie de les enfiler et vous ne comprenez pas pourquoi cela se répète dans votre vie.

Exemples de situation où l’on endosse un rôle

  • Le sentiment de tout donner, tout bien faire pour l’autre et ne pas avoir de reconnaissance en retour
  • Se voir imposé de façon autoritaire comment vous êtes censé agir 
  • Critiquer, juger votre partenaire voire être exaspéré dans certaines de vos interactions
  • Anticiper les besoins de l’autre, faire passer l’autre avant, prendre des décisions à la place de son ou sa partenaire etc.
  • vous sentir mal-aimée, être en souffrance et être face à une personne qui ne semble pas entendre ou reconnaître vos besoins

Dans ces différents exemples, qui sont très fréquents, on adopte une posture, un rôle, que ce soit conscient ou non.

J’espère donc que cet article vous permettra peut-être d’expliquer certains des problèmes relationnels que vous pouvez avoir ou avez déjà eu. Dans celui-ci, je vais vous parler du triangle de Karpman dans sa globalité. Soit :

  • Qu’est-ce le triangle de Karpman ? 
  • Comment se manifestent les différents rôles de victime, bourreau et sauveur ? 
  • Comment se déroule une partie de jeu ?

Et comme ce sujet est un gros morceau, je sortirais une deuxième partie la semaine prochaine pour aborder les bénéfices cachés donc pourquoi on se maintient dans le triangle dramatique et surtout comment est-ce qu’on fait pour sortir de ce fameux triangle.

Qu’est-ce que le triangle dramatique de Karpman ?

Tout d’abord, je pense que vous l’avez compris mais je n’aime pas faire de généralités. Néanmoins je pense sincèrement, qu’on le veuille ou non, que nous avons toutes et tous déjà joué à ce jeu. Dans celui-ci, je vous invite à visualiser un triangle. À chaque pointe du triangle correspond un rôle. Victime, bourreau ou sauveur. 

La victime

La victime est une personne qui se sent impuissante, opprimée ou maltraitée dans une situation donnée. Elle se retrouve désabusée, se met dans une posture de petite chose fragile et ce qu’elle recherche généralement est de la sympathie et de l’aide. 

C’est la personne pleine de bonne volonté qui n’est pas nécessairement fragile en apparence mais qui, bizarrement, enchaîne catastrophe sur catastrophe et situations délicates.

L’objectif de cette posture, qui n’est pas nécessairement consciente, est d’inspirer de la pitié pour qu’on la prenne en charge et qu’on prenne ses responsabilités à sa place.

Une personne en position de victime peut être très flatteuse avec l’utilisation de phrases telles que : 

  • Il n’y a que toi qui me comprend si bien
  • Je n’ai personne d’autres à part toi
  • Je ne sais pas ce que je ferais sans toi

En tout cas, ces phrases-là, on les entend lorsqu’elle s’adresse à leur sauveur.

Le bourreau ou persécuteur

S’il y a une victime, c’est qu’il y a forcément un bourreau ou persécuteur. C’est le rôle de la personne cruelle, méchante, sans empathie qui peut être violente verbalement ou physiquement. Je parle de violence dans le sens où on blesse, à priori, la victime mais on peut endosser ce rôle de bourreau sans nécessairement que ce soit poussé à l’extrême. Je veux dire par là que quand je critique, quand je reproche, quand je suis passive agressive, je suis dans ma posture de bourreau. 

Le persécuteur est une posture qui va être sévère, froide, autoritaire et intimidante. C’est un rôle qui fait peur à l’autre et donc la victime aura peur de lui tenir tête, peur de le contrarier au risque de subir des représailles.

Le sauveur

Le dernier rôle de ce triangle est celui du sauveur. Puisque qui dit victime dit sauveur. C’est un rôle qui affiche une posture généreuse, altruiste, protectrice et bienveillante. Le sauveur a un sens aigu de la justice. 

Dans la relation amoureuse, le sauveur confond le fait d’être aimé avec le fait d’être indispensable. Donc le sauveur fait tout pour l’autre, il est prévenant, attentionné  et cherche systématiquement à aider. 

Cette posture est souvent infantilisante pour la victime. Comme il déresponsabilise la victime et fait tout à sa place, cela peut dévaloriser la victime comme si elle n’était pas capable de s’en sortir seule et cette facette protectrice alimente une forme de dépendance. 

Au passage, je précise que ces différents rôles sont genrés au féminin ou au masculin comme il n’existe pas toujours l’équivalent mais peu importe la façon par laquelle on s’identifie, n’importe quel être humain peut endosser l’un de ces rôles.

Les rôles de victime, bourreau et sauveur dans la société

Et je parle du fait qu’en tant qu’être humain, on adopte ces rôles mais si on prend un peu de recul, au-delà de nos relations interpersonnelles, il y a probablement des rôles de ce triangle que vous attribuez volontiers autour de vous. 

C’est tout à fait normal puisque notre société s’appuie sur ces rôles sans grandes nuances. 

Par exemple, les pompiers, les médecins ou les associations caritatives peuvent être vus comme les sauveurs. La justice, la police ou l’administration comme les bourreaux ou persécuteurs. Les citoyens peuvent être vus comme des victimes innocentes qui subissent et sont impuissantes face au système.

Disons qu’il y a des rôles qui sont distribués dès le départ mais le triangle est dynamique et on ne reste pas figé sur la place qu’on a choisi en initiant le jeu. On va bouger sur les différentes positions. Une victime peut devenir bourreau, un sauveur aussi et vice versa.

Le dynamisme du triangle dramatique de Karpman

Pour comprendre la dynamique du triangle de Karpman, on peut visualiser que quand on se positionne et enfile un des rôles du triangle, les personnes autour de nous qui acceptent de jouer à ce petit jeu vont se vêtir d’un des autres rôles. 

Le Persécuteur incarne l’agresseur, le critique, celui qui blâme et juge les autres. La Victime se sent impuissante, opprimée et maltraitée, cherchant souvent la sympathie et l’aide. Et enfin, le Sauveur tente de résoudre les problèmes de la Victime tout en essayant de contrôler le Persécuteur.

Ce qui me semble important à préciser est qu’à partir du moment où l’on se laisse entraîner dans le triangle, on va alternativement passer par les différents rôles. Ces derniers ne sont absolument pas fixes et en un clin d’œil on peut adopter une autre posture.

L’emprunt des rôles successifs

Si mon ou ma partenaire me trompe et que je lui fais du chantage affectif en brandissant le fait qu’il ou elle m’a trompé, je suis autant dans une posture de victime qui souffre que dans une posture de persécuteur, persécutrice puisque je menace l’autre.

Si je me plains que je donne tout pour mon partenaire, que je suis prévenante, que je pense toujours à lui prendre son dessert préféré quand je l’invite à manger, que je me rends disponible quand il en a besoin même si ça ne m’arrange pas et qu’à côté de ça il n’y a même pas un signe de reconnaissance à mon égard ou un merci. Et bien là, j’adopte simultanément le rôle de l’infirmière pour le coup, donc le sauveur et ensuite, la victime qui n’est pas appréciée à sa juste valeur.

Si je gronde mon partenaire, que je lui indique que je suis obligée de prendre en charge son emploi du temps, de lui rappeler ce qu’il doit faire et comment il doit agir. Je suis dans mon rôle de sauveur et persécuteur puisque je revendique le fait d’avoir fait des choses pour l’autre mais en même temps, ça passe par une posture de parent où je me positionne presque en mère face à son enfant.

Le déroulé d’une partie

Dans les grandes lignes, ce qu’il se passe avec ce triangle c’est que certains mots, certaines phrases, certaines situations vont être amenés par la personne qui initie le jeu. 

De façon imagée, c’est comme si, j’interagis avec vous et tout à coup je décide de sortir mon plateau de jeu. Je positionne mon pion à un emplacement et j’attends de voir si vous aussi, vous allez vous positionner sur le plateau de jeu. 

Les générateurs de jeux

Cela se déclenche avec des comportements identifiés qui peuvent générer des jeux. On retrouve notamment des cavaliers de l’apocalypse de la relation amoureuse. Le lien est en description pour celles et ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion d’écouter l’épisode ou lire l’article.

En gros, les comportements que je vais citer équivalent à l’ouverture du jeu, le premier pion que je décide de placer. Parmi ceux-là, on retrouve notamment : 

  • la critique, le mépris et la défensive
  • les exagérations : “C’est toujours pareil avec toi, c’est tout le temps comme ça”
  • le déni : “non mais c’est pas vrai, je vois pas pourquoi tu penses ça, je ne vois donc pas de raisons de m’embêter avec ça”
  • la moquerie et les sarcasme
  • l’accusation et le “pourquoi” : “Mais pourquoi t’agis comme ça, on en a déjà parlé plein de fois ? Pourquoi tu continues à réagir comme ça ? On n’a dit qu’on devait procéder de telle manière”. 

Pour cette dernière d’ailleurs, pour peu que vous ayez déjà sollicité un accompagnement extérieur pour votre couple, on voit des personnes saisir l’argument de l’autorité supérieure pour appuyer leur point. 

“Pourquoi tu continues à agir comme ça, la psy a dit que tu devais arrêter de faire ça”

Une intention pas nécessairement mauvaise

Je sais que c’est déjà arrivé qu’on saisisse mon nom pour faire valoir un point. J’ai vraiment beaucoup de tendresse pour les personnes qui me font confiance et qui ont envie d’appliquer les conseils et les pistes que je suggère pour améliorer la relation. Néanmoins, quand c’est fait sous le ton de l’accusation, on démarre malheureusement une partie de jeu psychologique. 

Et j’en profite pour préciser, qu’évidemment, quand bien même on a conscience du triangle de Karpman, qu’on connaît des mécanismes de psychologie, ça ne veut pas qu’on devient irréprochable. 

Cela m’arrive encore à beaucoup plus de reprises que je le voudrais de démarrer une partie ou de me laisser entraîner dans l’une d’elle. On est parfois déjà en plein dedans quand on prend conscience qu’on n’a pas envie de jouer. 

Et le tout c’est déjà de les repérer et ensuite de choisir de quelle façon on a envie de se saisir de ce qu’on observe. Qu’est-ce qu’on décide de faire ? 

La continuité de la partie

Comme je le disais, je démarre une partie. J’ouvre mon plateau de jeu et j’attends. 

Si vous ne vous positionnez pas, vous n’entrez pas dans le jeu donc il n’y a pas de partie qui démarre. C’est d’ailleurs ce que je vous suggère de faire. Ne pas démarrer de partie de jeu. Malheureusement, le cas qui est le plus commun est que je pose mon pion et vous posez le suivant. Puis la partie continue avec ce qu’on appelle des transactions piégées. Je ne vais pas rentrer dans le détail dans cet article, ou du moins pas maintenant.

En tout cas, l’essentiel c’est surtout que vous puissiez comprendre les différents rôles, observer ceux que vous préférez adopter mais aussi ceux de votre entourage. Parce qu’on va tous avoir un rôle de prédilection. L’éducation qu’on a reçue a une influence sur le rôle qu’on choisit d’adopter. Par exemple, on observe souvent que la personne qui adopte le rôle de sauveur était dans l’enfance, un enfant qui devait être très responsable. On voit notamment des parents qui mettent leur enfant dans la position de sauveur. Les rôles s’inversent entre qui est l’enfant et qui est le parent.

Conclusion

L’idée avec cet article était donc de vous parler de ce triangle, que vous puissiez avoir conscience de comment les jeux psychologiques se mettent en place et aussi comment est-ce que cela vient entretenir des conflits qui peuvent être récurrents. 

Dès lors que l’on connaît ces différents rôles, c’est plus facile de pouvoir les déjouer et surtout cesser de les incarner pour sortir de dynamiques relationnelles qui peuvent vite devenir toxique.

Je vous dis ça mais bien entendu, le fait de se positionner sur ce triangle ne fait de nous une mauvaise personne ou une personne toxique. Le tout est vraiment d’avoir conscience de ce qu’on injecte dans la relation, de comment est-ce qu’on la nourrit et comment on en prend soin. 

Cela peut m’arriver de me positionner en victime, en bourreau ou en sauveuse dans mes relations. Le fait de connaître le triangle me permet aussi d’avoir le recul suffisant pour évaluer mon degré de compétence relationnelle sur ce sujet. 

Dans le prochain article qui arrivera dès la semaine prochaine, je vous parlerai de nouveau du triangle dramatique de Karpman pour aborder la notion de bénéfices cachés et surtout comment faire pour sortir de ce fameux triangle dramatique. 

Recommandation lecture


Note : le lien redirigeant vers la Fnac dans cet article est un lien affilié (je touche une commission si vous achetez sans que cela ne change rien au prix d’achat pour vous).