Le piège du monopole de la souffrance

Fév 26, 2024 | Guérir son coeur, Podcast, Sauver son couple

Dans un couple, il n’est pas rare de tomber dans une forme de monopole de la souffrance. Avec cette notion, s’accompagne l’idée d’une hiérarchie de la souffrance.

Dans cet article, nous allons voir plus en détail ce qui se cache derrière cette idée générale. De plus, je vais vous proposer des pistes pour éviter de tomber dans ce piège. 

Une dynamique de souffrance progressive

En parcourant mon blog, vous pouvez aisément comprendre que le voyage qu’effectue un couple n’est pas un long fleuve tranquille. J’écris sur la rancune, le pardon ou encore les conflits dans le couple. 

Un couple se compose de deux personnes. Celles-ci embarquent sur un même bateau pour effectuer un beau voyage sur la rivière de l’amour.

Sur cette rivière de l’amour, le bateau peut heurter des rochers, il peut s’abîmer, être emporté par le courant ou encore être dévié de sa route initiale etc.

Ces diverses interactions viennent perturber le voyage du couple. De même, elles vont avoir un impact sur la relation. En fonction de l’intelligence émotionnelle et relationnelle de chacun et chacune, cela aura plus ou moins de conséquence sur la santé de la relation. 

Dans nos relations, on en n’a pas toujours conscience mais de petites inconforts et contrariétés peuvent s’accumuler progressivement. C’est tout à fait normal. 

Une relation se compose de deux êtres différents. Souvent la différence dans les fonctionnements de chacun et chacune vient créer de la friction. Quand bien même on a le sentiment d’accepter inconditionnellement son ou sa partenaire, c’est normal d’être dans une forme d’incompréhension tant qu’on n’a pas encore mis le doigt sur cette différence de fonctionnement. Compréhension de la différence qui va nous permettre d’être dans une réelle acceptation de l’unicité de l’autre. 

Qu’est-ce que le monopole de la souffrance dans un couple ?

Alors qu’est-ce que j’appelle monopole de la souffrance ? En fait, il s’agit du fait de nier les ressentis de son ou sa partenaire à partir du moment où soi-même on éprouve de la souffrance. 

Je vous parlais de cette accumulation de petites choses qui peut exister puisque souvent quand on est dans une situation souffrante, on a tendance à récupérer tous les éléments qui peuvent venir valider nos pensées. 

Quand la relation nous fait souffrir, , on vient légitimer ce qu’on ressent avec des exemples passés et présents. Quand c’est une dynamique récurrente, on appelle ça compter les points. On garde cette rancœur à l’intérieur de nous pour pouvoir la ressortir plus tard.

Le monopole de la souffrance consiste à se positionner en victime face à une situation. Si vous avez découvert l’article sur le triangle de Karpman, vous vous doutez donc que cela positionne le ou la partenaire, en bourreau. 

Et est-ce qu’un bourreau à son mot à dire face à la victime ? Quand on s’approprie le monopole de la souffrance, la réponse est évidemment non. 

Ce monopole de la souffrance, c’est vraiment le fait de considérer à un instant t que, la souffrance que l’on ressent est tellement grande qu’il n’y a pas de place pour celle de quelqu’un d’autre.

La hiérarchie de la souffrance

Le truc avec cette posture c’est que cela vient invisibiliser les potentiels ressentis de l’autre personne. Cette dynamique se retrouve notamment dans des couples en crise où l’une des personnes estime avoir “la loi” de son côté.

C’est l’équivalent de dire “Je souffre tellement plus que toi, tes ressentis n’ont pas leur place car ils sont minimes comparés à la souffrance que j’éprouve”.

Cette expression, avoir la loi de son côté, c’est brandir les erreurs de son ou de sa partenaire et se positionner soi-même en tant qu’individu irréprochable. Le gros problème de cette posture est que l’on est juge et partie de la situation. 

La posture d’irréprochable

Dans un cas d’adultère par exemple, c’est assez fréquent que la personne trompée considère que l’autre n’a plus son mot à dire tant sa propre souffrance est grande. 

On pointe du doigt l’autre personne et on évalue ses efforts de repentance. Qui, bien entendu, doit agir comme on le souhaite pour que l’amende honorable soit acceptée. 

Sauf qu’en temps qu’être humain, c’est bien plus complexe que cela. 

Si je reprends l’exemple de l’adultère. La personne qui a rompu le pacte de couple d’un point de vue fidélité et monogamie peut aussi souffrir de la situation. Quand bien même, une de ses actions a contribué à amener à la dite situation de crise dans le couple.  

On peut toutes et tous être plus ou moins touché par des expériences. Et quand bien même on souffre grandement d’une situation dans le couple, notre partenaire a des ressentis également et ces derniers sont tout à fait légitimes. Que les raisons nous semblent dérisoires ou non. Et ce, quand bien même on considère que l’autre est le coupable de l’histoire. 

Le ressenti d’une personne lui appartient. Peu importe ce qu’on en pense. Même si cela ne nous semble pas valable ou injustifié. Quoiqu’il arrive, ce que l’on pense n’efface pas ce que la personne ressent.

L’honnêteté de reconnaître cette posture que l’on adopte

Cette posture, je pense qu’on peut aisément avoir un ou deux exemples personnels où l’on s’est positionné de cette manière. Quel que soit le type de relation, amoureuse ou non. 

Quand on est focalisé sur notre propre douleur, c’est tout à fait normal d’avoir de la difficulté à s’ouvrir et concevoir que l’autre personne en face de nous, celle que l’on perçoit comme la cause de nos maux, puisse également mal vivre la situation. 

Quand on est dans cette posture, je pense que l’une des choses les plus importantes est d’avoir l’honnêteté de reconnaître qu’on est, à un instant t, dans cette composition là. 

On viendrait juste rajouter des problèmes sur des problèmes en se croyant dans notre bon droit à nier le vécu de l’autre.

Dans des cas comme ça, cela demande évidemment de faire preuve d’une certaine vulnérabilité de déclarer que l’on sait qu’on n’a pas l’ouverture suffisante présentement pour accueillir les ressentis de l’autre. 

Cela demande de venir dire : 

  • J’ai tellement mal que je n’arrive pas à accepter que tu puisses également souffrir de la situation
  • Je souffre tellement et je n’ai pas l’ouverture pour accueillir tes émotions
  • Je ne suis pas dans un état émotionnel qui me permette d’envisager une propre remise en question de mon côté
  • C’est tellement dur à vivre pour moi en ce moment que j’ai besoin d’être validé dans mes ressentis

Le besoin de reconnaissance des ressentis

Ce besoin de reconnaissance des ressentis souvent, il s’oppose au partage des propres émotions que peut ressentir notre partenaire. 

C’est-à-dire que si j’ai mal, que j’exprime cette douleur et que mon partenaire me partage la sienne, je peux avoir le sentiment que cela vient minimiser ou taire mes sentiments. En fait, quoiqu’il arrive nos ressentis respectifs coexistent. Je peux être triste et mon partenaire peut l’être aussi. Cela n’enlève en rien le fait que je sois triste. 

Dans une situation donnée, c’est rarement, voire jamais, tout blanc ou tout noir. 

Je pourrais par exemple exprimer à mon partenaire que je suis peinée de notre manque de connexion émotionnelle. Et en retour, il pourrait très bien me dire que de son côté, il est bouleversé par notre manque de connexion physique. Aucun de ces deux vécus n’annulent celui de l’autre. 

L’appropriation d’une souffrance exclusive

Un problème récurrent lors de crises de couple est que l’un des deux partenaires, souvent celui ou celle qui tire la sonnette d’alarme, vient s’approprier la souffrance. 

Dans cette démarche, la personne exprime avoir besoin d’être reconnue dans son rôle de victime. Si bien que cela balaie d’un revers de main, la possibilité finalement de faire équipe pour dépasser le conflit. Cela devient une démarche individuelle où l’autre doit prendre les choses en mains. 

  • “Je suis anéantie donc c’est à toi de régler le problème pour nous deux”

Quand on a ce besoin d’être reconnue dans nos émotions, qui sont, je le rappelle, en tout temps, valide et légitime, on ferme le pont qui permet de faire circuler les émotions entre les deux personnes dans le couple.

Et surtout, on crée une dynamique de pouvoir où l’autre n’a finalement comme option que le fait de se soumettre et d’acquiescer nos propos. 

Comment sortir de cette démarche ?

Vous vous en doutez, entrer dans une dynamique relationnelle de dominé-dominant est rarement souhaitable. 

Cette posture du monopole de la souffrance on l’adopte quand on a le sentiment que cela va permettre de compenser ce qu’on vit. Sauf qu’il s’agit tout simplement d’une instrumentalisation de la souffrance. 

On cherche à obtenir réparation par ce biais. Cette dynamique, on l’instaure pour enclencher du changement. Mais le risque est de venir abîmer la relation. Puisqu’une personne dont les propres ressentis sont niés n’y trouvera à un moment donné plus son compte dans la relation. 

Alors que fait-on pour éviter d’entrer là-dedans ? 

Evaluer son ouverture personnelle

Je pense que la première chose à faire est d’évaluer si, dans notre douleur, on est prêt ou prête à se remettre en question et à regarder où est-ce que soi-même on a une marge d’évolution possible ? Si tel n’est pas le cas, ce n’est pas grave. Par contre, il est primordial d’avoir l’honnêteté de l’admettre. 

Je reçois des couples qui viennent pour qu’il y ait des évolutions dans la relation. Sauf que cela ne fait que freiner le travail collectif lorsque l’une des personnes refuse d’admettre qu’elle n’est pas dans cette disposition d’ouverture personnelle.

Pour vous schématiser la chose, la personne pense “Il faut que ça bouge, ce n’est pas vivable, par contre moi je fais déjà tout bien donc c’est à mon ou ma partenaire de faire les actions nécessaires.”

Sauf qu’en façade, la personne exprime être prête à faire un travail sur soi, un travail pour le couple mais dans les faits ça bloque. 

Tant qu’il n’y n’a pas cette honnêteté d’admettre que l’on considère l’autre comme l’affreux ou l’affreuse de l’histoire, on se ferme la possibilité de venir créer un espace d’échange où cette personne pourra s’exprimer et être entendu dans son vécu ou sa rancoeur.

Clarifier ses intentions

Une seconde chose serait de clarifier nos intentions. Est-ce qu’on a envie de clarté, de contact, d’excuses, de responsabilisation etc. ? 

Qu’est-ce qu’on cherche à obtenir avec le fait de s’approprier l’exclusivité de la souffrance ?

Cela peut être très inconscient donc on peut venir regarder quels besoins sont partiellement satisfaits par la situation en cours. 

Par exemple, cela permet parfois de rétablir de la communication, d’avoir une connexion physique, de se sentir entendu ou autre. 

Se responsabiliser

Des fois, on est tellement focalisé sur ce qui ne nous convient pas et nous contrarie que l’on occulte de nombreux aspects de la réalité. Je pense ainsi que cela nous appartient de nous responsabiliser là-dessus. 

C’est quelque chose qui peut arriver à toutes et tous d’être dans notre vision tunnel et ne plus percevoir tout le reste autour. Quand c’est poussé à l’extrême, on en vient à remettre en cause toute la relation et cela génère beaucoup d’insécurités. 

Je pense vraiment que le tout est d’apprendre à bien se connaître, de manière à pouvoir détecter quand est-ce qu’on entre dans ce mode de fonctionnement. En fait, tant que vous agissez en conscience, pourquoi pas. Parce qu’en fait vous aurez conscience que le fait d’être dans ce monopole de la souffrance peut nuire à la relation. 

À ce moment-là vous pourrez choisir si oui ou non les conséquences possibles valent la peine de rester dans cette posture. Vous pourrez déterminer si cela vous semble constructif ou si les bénéfices sont plus élevés que les pertes.

Des fois, adopter ce type de posture contribue à faire une forme d’électrochoc à l’autre. Ce n’est pas quelque chose que personnellement je recommande mais en soi, on peut toutes et tous avoir des comportements questionnables puisque personne n’est parfait. 

Changer son focus

Est-ce que pour autant cela signe la fin de la relation ? Non. Est-ce que cela vient dire qu’on a tout gâché ou que l’autre a tout gâché ? Non plus. Est-ce que cela indique que l’on est dans une posture fermée ? Très probablement. Est-ce que l’on aurait intérêt à revenir dans une posture d’accueil ? Très certainement. 

Il ne faut pas oublier que des fois, le meilleur moyen d’être entendu et compris, c’est avant tout, d’écouter l’autre et d’accueillir. L’espace d’accueil réciproque se co-construit et on peut être la personne dotée de belles qualités d’intelligence émotionnelle en montrant la voie.

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